Littérature étrangère, Livres

« Le Bûcher » de György Dragoman

Temps de lecture : 2’24

Petite et grande histoire ont le chic pour se télescoper, réduisant nos destins à peu de chose – j’ai quelque grand-oncle, cousin et arrière-grand-père qui en savent quelque chose. Ici, ça se passe dans la Roumanie fraîchement libérée de son dictateur, mais pas de ses vieux démons.

Sans larmes

Emma est une jeune adolescente qui ne pleure pas. Pourtant, les raisons de pleurer ne manquent pas. Ses parents sont morts récemment dans un accident de voiture. Une vieille dame qu’elle n’avait jamais vue auparavant prétend être sa grand-mère et l’embarque chez elle où elle vit chichement. Si cette dernière se montre ouverte d’esprit elle n’en demeure pas moins engluée dans des rituels moyenâgeux.

Protégée par certains professeurs pour des raisons obscures mais ostracisée par certains de ses camarades de classe pour des raisons qui lui sont tout aussi obscures, Emma est en terrain hostile.

Le visible et l’invisible

Tout en apprivoisant et en se laissant apprivoiser par cette dame, Emma apprend son histoire qui est intimement imbriquée à celle de la Roumanie : guerre, déportation puis régime liberticide et assassin. Imbécillité. Pour survivre la magie était indispensable.

Avec beaucoup de courage Emma fait l’apprentissage de la vie qui se veut tantôt douloureux, tantôt doux. Elle hérite, du visible et de l’invisible. Et comme tout un chacun doit composer avec.

Entre les lignes du récit de sa vie quotidienne se dessine la jeune femme qu’elle est en train de devenir : intelligente, artiste, belle, authentique, attachante. Vivante.

Je la serre contre moi, je la tiens, je la serre fort, nous nous laissons tomber, nous restons là, allongées sur les feuilles mortes, enlacées, et nous pleurons, nous sommes vivantes.

Lire du Dragomán

J’ai longtemps guetté le deuxième roman de Dragomán tant son premier, Le Roi blanc, m’avait émue. Avec Le Bûcher : rebelote.

C’est de nouveau par le regard d’un enfant que nous voyons se dérouler la grande Histoire, perfide qu’elle est. Au milieu des décombres, l’amour, la nature, la beauté.

J’ai refermé ce joyau avec la peine de savoir l’histoire finie et la joie d’espérer un troisième roman de ce monsieur Dragoman qui a des choses à nous raconter sur la Roumanie en ce temps-là.

Le point commun entre le personnage et moi

Emma et moi avons été élevées par nos grands-mères respectives à la mort de nos parents/d’un de nos parents, des grands-mères qui avaient subi l’horreur de la guerre à l’âge tendre.

Le Bûcher de György Dragomán, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, Gallimard (2018).

© Virginie Manchado, 2018

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