Littérature étrangère, Livres

« Douleur » de Zeruya Shalev

Temps de lecture : 2’41

Le titre de ce roman m’a longtemps fait hésiter. Avais-je réellement envie de lire de la « douleur » ? Après avoir refermé le livre, je sais que j’ai bien fait de succomber à la tentation.

Explosion

Les plaques de métal qui maintiennent le bassin d’Iris se superposent aux plaques qui emprisonnent ses sentiments dans des boîtes bien rangées dans un coin de son cœur. Jusqu’au jour où tout valdingue, telle l’eau d’un barrage trop longtemps contenue qui vient prendre sa revanche.

La situation est sous contrôle

Petite fille, elle n’a pas eu le temps de dire au revoir à son père. Jeune femme, « il » ne lui a pas laissé le choix : « il » lui a dit au revoir brutalement. Adulte, le terroriste ne l’a pas prévenue que sa vie serait désormais tout autre. Si les âges de la vie sont différents, si les circonstances sont différentes, les ruptures n’en sont pas moins radicales.

Femme de retenue, Iris semble avoir tout sous contrôle. Pour ne pas craquer, elle s’est repliée dans le capiton de l’armure qu’elle a érigée. Elle tient les sentiments hors d’elle, loin d’elle. Mais comme elle le dit, dans la vie vient toujours un moment où votre mensonge vous fait trébucher. Chez Iris, son mensonge prend la forme d’une douleur.

Elle prend la carte de visite qu’il lui a donnée quelques heures auparavant, recopie les chiffres dans ses contacts mais, au lieu de le noter sous son prénom ou son nom de famille, elle écrit : Douleur. 

L’écho du passé

Contrainte de retourner à l’hôpital où elle avait été soignée après l’attentat dont elle a été victime, Iris retrouve un amour de jeunesse, celui qui avait laissé une plaie béante dans son cœur jamais cicatrisée. Dès lors, tous les maux – physiques et psychiques – qu’elle croyait avoir enfouis lui sautent au visage.

Pour guérir de ce mal, Iris est confrontée à la plus grande des libertés : celle de devoir choisir sa vie.

Lire du Shalev

Avec Shalev nous entrons dans les personnages, nous les disséquons, les décortiquons, les épuisons jusqu’à les connaître parfaitement. Parfois trop. Ce qu’il reste, c’est la beauté avec laquelle elle parvient à nous démontrer combien le passé peut faire écho dans notre présent et qu’il nous appartient de lui consacrer la place qu’il mérite – ni plus ni moins.

Le point commun entre Iris et moi

Iris et moi avons très peur des souris.

Douleur de Zeruya Shalev, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, Gallimard (2017) et Folio (2018).

© Virginie Manchado, 2018

3 réflexions au sujet de “« Douleur » de Zeruya Shalev”

    1. Je n’en doute pas un seul instant. Ces deux femmes sont très riches et la Maison de la poésie, je suis fan… souvenir d’une nuit blanche à avoir écouter la lecture intégrale de « Dossier M », magique.

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  1. Moi aussi, ai-je vraiment envie de lire de la “douleur” ? Est-ce bien raisonnable ?
    Eh bien, c’est décidé, j’entame la lecture de ce roman dès ce soir. Après tout, jamais je n’ai été déçu par tes conseils et je ne vois donc pas pourquoi je le serais maintenant.
    Quant à la petite anecdote sur les souris, elle m’a rappelé des souvenirs 🙂

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