Littérature étrangère, Livres

« La Jungle » de Upton Sinclair

Temps de lecture : 2’09

Je fais partie d’un club-de-lecture-de-classiques-l’été. Il est à l’initiative d’amis qui ont la gentillesse de m’y convier. A la fin du printemps nous choisissons un roman classique que nous lirons durant nos vacances respectives. A l’approche de la rentrée nous nous réunissons autour d’une tasse de thé et commentons. Moi qui ne lis plus de classique depuis très longtemps, depuis la fin du lycée, ce rendez-vous annuel me ravit.

Je ne lis plus de classiques

Parce que dans ma jeunesse je n’ai lu que ça. Parce que l’Education nationale ne jurait que par ça. Parce que les classiques peuplaient les rayons des CDI et des bibliothèques. Parce que les classiques plafonnaient très haut. C’étaient, et ça reste, des monstres sacrés qu’il faut avoir lus. Quand on ose dire qu’on n’a pas lu Stendhal, par exemple, on a droit au regard ahuri de son interlocuteur qui signifie « Quel ignare celui-là ! » Et si on l’a lu, mais qu’on ne l’a pas aimé, c’est la disgrâce assurée.

Autre raison pour laquelle j’ai lu des classiques : ils étaient tous au format poche, donc dans mon budget. Sitôt que j’ai gagné quelques sous j’ai commencé à lire des grands formats, soit des nouveautés. Et je n’ai plus pu lire que ça, parce que c’était nouveau, tant l’objet que le contenu. Puis, j’ai fini par considérer, à tort je crois bien, que les classiques c’était fait, digéré et absorbé.

Donc, une fois l’an je lis un classique. Mais une question me chiffonne…

Qu’est-ce qu’un classique ?

Comment savons-nous qu’un livre est un classique ? Est-ce lié à sa date de parution, donc au nombre d’années d’existence ? Cela sous-entend-il que les êtres humains passés un certain âge, disons 57 ans, deviennent des classiques ? Est-ce une question de nombre d’exemplaires vendus ? de prix littéraires reçus ? le fait d’être au programme des classes de 1re L ? C’est parce qu’ils sont indémodables. Je ne suis pas d’accord, les livres sont éternels mais certains vieillissent. Est-ce que les classiques sont des livres pour une catégorie de la population ? Est-ce une question de moment dans la vie ? Revient-on aux classiques comme on revient à ses origines ?

Y a-t-il quelqu’un dont c’est le métier de décider quel livre est un classique ? Si oui, cette personne a-t-elle un bureau voisin de celle des appellations AOC pour le fromage ?

Comment se fait-il que je n’hésite pas un seul instant à classer La Jungle dans la catégorie « Classique » ? Ai-je raison, d’ailleurs ?

La promesse non tenue d’un monde meilleur

Le classique qui était au programme de mon club, c’est La Jungle. Au début du 20e siècle, nos personnages ont quitté la Lituanie pour l’Amérique, persuadés de trouver l’Eldorado au bout de leur périple. Le lecteur les cueille fraîchement arrivés. Ils prennent la direction de Chicago où des abattoirs s’étendent à perte de vue.

Candide, la famille lituanienne croit dur comme fer en sa capacité de travail et affiche un sourire radieux. Aucun d’eux n’a alors idée de ce qu’implique travailler pour les trusts de la viande. Mare de sang à hauteur du genou, accidents qui laissent amputés, vapeurs chimiques qui rendent malades, cadences infernales à tenir, oreilles qui gèlent en hiver, ouvriers qui chutent dans la cuve à pâté devenant eux-mêmes de la chair à pâté qui sera conditionnée dans de jolies boîtes de conserve qu’on retrouvera bientôt sur les rayons des épiciers, à moins que les rats qui grouillent de partout ne se chargent de leurs dépouilles… La devise : Money is money.

On utilise tout dans le cochon, sauf son cri.

La famille lituanienne déchantera, comme toutes les autres avant elle. Chaque jour aura entamé un peu plus son ardeur et sa foi en ce continent. Pourtant, au bout du tunnel scintille une étoile. Elle s’appelle « lumière socialiste ». Serait-ce l’aube d’un monde nouveau ?

Perception du roman

Upton Sinclair a jeté un pavé dans la mare en publiant en 1906 un roman sociologique sur le trust de la viande à Chicago. Malgré les cris de protestation des patrons des abattoirs, il a été reçu à la Maison-Blanche, à la suite de quoi le président Roosevelt a fait mener des enquêtes sur les conditions de travail dans les abattoirs et sur la qualité de la nourriture qui y était préparée.

A n’en point douter, si un tel roman paraissait aujourd’hui il soulèverait le cœur de nombre d’entre nous au moins autant pour les conditions de travail des hommes que pour la maltraitance infligée aux animaux.

Lire du Sinclair

Sur un ton mi-fictionnel mi-journalistique Upton Sinclair nous expose l’histoire d’une famille qui a été le sort de beaucoup. La Jungle est un livre résolument engagé qui résonnera chez les amateurs d’Histoire et les personnes soucieuses de ce(ceux) qui se trouve dans leur assiette.

Le point commun entre l’auteur et moi

Upton Sinclair et moi ne supportons ni l’exploitation des hommes au travail ni la souffrance animale.

La Jungle de Upton Sinclair, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Jayez et Gérard Dallez, Le Livre de poche (2011 pour la dernière édition) (le livre est paru aux Etats-Unis en 1906).

© Virginie Manchado, 2018

2 réflexions au sujet de “« La Jungle » de Upton Sinclair”

  1. bel article virginie! bisou

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  2. Je l’ai commencé hier. Comme toi, je n’accepte pas l’exploitation des humains ni celle des animaux. Et se dire, peut-être à tort, que jamais rien ne changera est désespérant. Mais je pense que la lecture de ce livre est nécessaire, il est d’une grande force et parfois fait froid dans le dos. Ce qui se passe dans les abattoirs (de Chicago et d’ailleurs) est révoltant et ne peut laisser indifférent. Et le pire, c’est qu’il est toujours d’actualité.

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