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Americaine automobile
Une chronique conçue par 3 des participants au Study Tour à San Francisco :
– Idée originale : Vincent Allard / Dessin : Victor Sallé de chou / Conception-rédaction : Virginie Manchado
Je suis Virginie, j’ai mon permis de conduire, je vis en ville, conduis le moins possible et ai un objectif dans la vie : ne jamais posséder de voiture.
Il s’appelle Vincent et tout minot était déjà capable de citer les marques des véhicules qu’il voyait dans la rue. Ses voitures préférées sont les « Muscle cars ». Pour les non-initiés comme moi, il s’agit de la Ford Mustang, de la Chrevolet Camaro et de la Dodge Challenger. Vincent roule avec une Volvo XC60 blanche, qu’il adore. Son petit joujou qu’il sort pour de folles virées : une Peugeot 204 cabriolet rouge. Le doux rêve qu’il caresse : s’offrir une Porsche.
Quel meilleur endroit que les Etats-Unis pour parler bagnole avec Vincent ?
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En matière de voiture ce que Vincent apprécie le plus, c’est le soin apporté à chaque détail du design. Par exemple, un intérieur qui combine de l’aluminium, du carbone, du cuir et de l’alcantara, c’est la classe absolue. L’automobile aurait donc quelque chose à voir avec la haute couture, première découverte.
Se promener dans la rue avec Vincent est impressionnant : il indique une voiture, vous annonce son identité « marque, modèle, nombre de chevaux », lève l’index et vous dit « écoute le moteur ». Après le démarrage, il vous demande si vous avez entendu. Jamais de ma vie je n’avais ni « écouté » ni « entendu » une voiture. Plus fort encore, il reconnaît les modèles au bruit du moteur.
Là où ce n’est que vacarme pour moi, Vincent entend une musique et voit une chorégraphie. Les pistons montent et descendent, l’essence est propulsée par jets, sa combustion va finir en fumée recrachée par le pot d’échappement. Si j’avais eu Vincent comme prof de physique-chimie au lycée, j’aurais sans doute eu la moyenne plus souvent…
Des bruits de moteurs il y en a plus aux Etats-Unis qu’en Europe car les V8 sont nombreux.
L’idée de ce voyage a ouvert l’appétit de Vincent car il savait que de très belles voitures surgiraient à tous les coins de rue. C’est vrai qu’ici s’afficher avec une belle voiture est un symbole de réussite aussi assumé que valorisé.
Le jour de son arrivée à San Francisco Vincent a également aperçu une voiture autonome en test-drive, c’était dans Geary Street très précisément. Aurons-nous encore besoin d’un permis de conduire quand les voitures nous emmèneront à bon port sans aucun effort de notre part ? Que nous ferons durant le temps du trajet ? Je ne doute pas un seul instant que la moitié de l’humanité en profitera pour répondre à des e-mails et travailler un peu plus…
Vincent a eu la chance de tester la Tesla modèle X au Tesla show-room. Il a adoré l’accélération alors que d’autres ont eu des hauts le cœur. Je n’ai même pas essayé, supportant déjà assez mal les « sauts » des ascenseurs très rapides. En matière de sensation, nous ne sommes pas tous équipés du même thermostat.
Les Tesla connaissent un beau succès aux Etats-Unis, ce sont des voitures électriques. Qui dit moteur électrique dit silence. Et ça, c’est une vraie mutation. Puissance et vitesse, certes, mais pas de ronronnement sous le capot. On en aurait donc fini avec les scènes de cinéma dans lesquelles les gangs rivaux font rugir les moteurs avant de se lancer dans une course tonitruante dès que le feu passe au vert ? Pour sûr, dans quelques années le volume sonore de nos villes aura diminué d’un cran.
Si Vincent est partagé quant aux sensations que procure un moteur électrique il est convaincu que c’est un tournant indispensable : conscience écologique oblige. Il s’étonne d’ailleurs de voir tant d’Américains conduire des voitures électriques alors que leur consommation en énergie (électricité et eau, entre autres) est colossale, et donc irresponsable. Les Etats-Unis : un pays de paradoxes…
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Notre mode de vie change et les objets du quotidien s’adaptent à ces changements tout comme ils nous obligent à adapter notre mode de vie. Les transformations que connaît l’automobile en est l’illustration parfaite.
Qui sait si les garagistes aux mains pleines de cambouis caresseront toujours le capot des voitures ? Qui sait s’ils n’auront pas complètement cédé leur place à des ingénieurs diplômés de Polytechnique ou de Centrale seuls désormais capables de faire avancer ces concentrés de haute technologie ? Qui sait Vincent, la Citroën ZX, vert foncé à la boîte manuelle, sans climatisation ni Airbag, que tu conduisais il y a quinze ans fera peut-être son grand retour à l’instar de la Stan Smith ? Peut-être deviendra-t-elle bientôt une œuvre d’art recherchée par tous les collectionneurs et fera l’objet d’enchères délirantes ?
A bientôt pour d’autres tonalités et couleurs de San Francisco.
© Virginie Manchado, 2018