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Cadeau providentiel d’une bonne âme lors d’un passage furtif en librairie. « Matin brun », à ne pas confondre avec « Petit Ours brun ». Ici, pas de brouet au petit-déjeuner ni de lit trop petit ou trop grand, encore moins la peur d’aller à l’école, mais des idées bien trop étriquées.
Détourner le regard pour éviter les ennuis
L’un a un chien, l’autre un chat. Ils se marrent bien, jouent à la belote, au tiercé tout en devisant et sirotant quelques bières, brunes.
Ils vivent dans un monde où c’est le brun qui domine. Tout doit être brun, les chiens, les chats, les gens, les idées, les mots et même son passé.
Pour être bien vus et avoir la paix, les deux compères courbent l’échine. Le problème avec les pensées brunes, c’est qu’elles ne se sont jamais rassasiées. Rien n’est jamais assez brun pour elles. On a beau essayer de tout brunir, il restera toujours une tache moins brune ici et là. Aussi disséminée soit-elle, la tache ne passera pas inaperçue indéfiniment. Et chacun sait que quand on cherche, on finit toujours par trouver. Ce jour-là, prends garde à toi, l’ami, car il sera trop tard.
On aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?
L’extrémisme gronde et frappe à la porte, et nous nous comportons comme la grenouille. On plonge volontiers dans l’eau froide puis on se laisser bercer par la tiédeur progressive. Certes, ça fait un peu mal mais comme disent les personnages « mon cœur s’était serré, puis on oublie vite ». Mais quand ça frémit à grands bouillons, il est trop tard, on a accepté l’inacceptable – peut-être même qu’on l’a élu un matin printanier de dimanche –, on est cuits.
Matin brun, de Franck Pavloff, Cheyne éditeur, 1998 (ouvrage poétique et politique, d’une dizaine de pages, vendu à près de 2 millions depuis sa parution).
© Virginie Manchado, 2019
les éditions de virginie 