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Cem n’avait pas prévu que l’amour lui tomberait dessus sous l’apparition d’une femme aux cheveux roux…
Casser sa croûte
Depuis que son père, un militant gauchiste qui a connu la torture, les a quittés, Cem et sa mère vivent chichement. Cem a l’ambition d’étudier à l’université. Pour payer ses études, il quitte le foyer familial le temps d’un été pour une bourgade située non loin d’Istanbul, où il se met au service d’un maître-puisatier. Un homme comme on n’en fait plus. Une force de la nature doublée d’un don prodigieux : celui de détecter les sources d’eau souterraines.
Le jour, Cem et son maître travaillent, à creuser un puits. Creuser, vider des seaux et se rapprocher un peu plus du centre de la terre. Le soir, le maître raconte des histoires à Cem où s’entremêlent réalité et mythes fondateurs. En apparence éloignées ces deux activités sont très similaires : s’enfoncer dans la terre pour en percevoir les veines, les courants, les mouvements. Trouver l’eau et s’enfoncer dans la psyché humaine, un même dessein : faire corps avec le cosmos.
Après le dîner, le maître et son apprenti quittent leur camp de fortune pour aller boire un verre de raki fumer quelques cigarettes au village. Ils y trouvent un semblant de convivialité. Un soir comme les autres, Cem pose les yeux sur la « femme aux cheveux roux ». Il en tombe instantanément fou amoureux. Dès lors, sa relation avec son maître se corse. Entre vénération et détestation, entre soumission et désobéissance, Cem devra « tuer » son maître, car c’est bien ce que font père et fils depuis la nuit des temps, à commencer par Œdipe.
Point de non-retour
Un incident va infléchir le cours de la vie du jeune Cem. Faire comme si rien ne s’était passé ? Oui, on peut essayer. Pour s’aider prendre appui sur la littérature, l’art et l’amour, c’est le plan de Cem. Mais peut-on éviter le retour du boomerang qu’on a lancé des années auparavant ?
Lire du Pamuk
Comme toujours avec le bien-aimé Orhan Pamuk, sa prose équivaut à marcher sur un fil suspendu entre Occident et Orient. C’est poétique et subtil. Ca combine savamment les mythologies, l’amour et la modernité.
Et je ne peux m’empêcher de repenser à son discours de réception du prix Nobel, un joyau.
Le point commun entre Cem et moi
Il est tombé amoureux d’une femme aux cheveux roux, j’en aurais fait de même à sa place. Un de mes rêves, c’était d’être rouquine avec plein de tâches de rousseur !
La Femme aux cheveux roux, de Orhan Pamuk, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, Gallimard, 2019.
© Virginie Manchado, 2019.