« Greer Kadetsky rencontra Faith Franck en octobre 2006 », c’est comme ça que tout commença, et le roman et la relation qui allait unir Greer à Faith.
Un peu à l’étroit
On ne peut pas dire que Greer ait eu une enfance heureuse : des parents à la limite de la marginalité, un grand sentiment de solitude, mais une scolarité excellente, qui lui a valu une place à l’université. Elle s’y est fait quelques amitiés et a aussi pris de plein fouet la violence du sexisme. Mais les perspectives d’avenir vont s’élargir le soir où, un peu par hasard, elle asssitera à une conférence de Faith Frank. Figure de proue du féminisme, intelligente, pétillante et quasi iconique, Faith Frank va échanger quelques mots avec Greer qui vont chambouler sa destinée.
Début de vie professionnelle
Fraîchement diplômée, Greer est toujours aussi éblouie par Faith Frank et toujours aussi déterminée à donner un sens à sa vie : la cause des femmes, voilà quelque chose qui la révolte. Faith la recrute au sein de la fondation féministe qu’elle vient de créer.
Les premières années Faith est grisée par son travail, son rôle concret auprès des femmes – elle met en mots leurs maux et écrit des discours et témoignages en leur nom. La vie new-yorkaise la grise aussi, tout comme elle l’éloigne de son petit ami d’enfance dont la trajectoire a été pulvérisée en plein vol. Travailler avec Faith est une expérience extraordinaire, elle est si généreuse, si chaleureuse. Même ceux qui ne la connaissent pas ont juste envie d’être avec elle.
Peut-être Faith et elle avaient-elles suivi un long chemin paisible vers l’effondrement, et ce dernier avait fini par se produire. Au moment même où la personne la plus âgée encourage la plus jeune pour la première fois, la plus âgée sait déjà que cela peut arriver. Tandis que la plus jeune l’ignore et ne ressent que l’excitation.
Effondrement
Mais comme chacun le sait, les cimes se grimpent comme elles se descendent. Quand on a placé trop d’espoir en une personne, quand on a trop misé sur elle, quand on n’a voulu voir que ce qu’on voulait bien voir, on finit par être déçu. Dans la vie, tout se pèse, tout est une question de pour et de contre. Il y a bien un moment où l’on n’a plus besoin de l’approbation de quiconque, on agit de son propre chef, sans attendre l’autorisation.
Ce moment de bascule Greer va le vivre, ce sera l’heure pour elle de trouver sa propre voie, de femme et féministe, et de faire entendre sa voix, n’en déplaise à autrui.
Lire du Wolitzer
Bienvenue dans le roman polyphonique à l’américaine. Que ça fait du bien de lire des romans qui racontent des histoires, qui ne sont pas que des pépites stylistiques. C’est polyphonique, ça se passe à différents moments de la vie des personnages, c’est micro et macro à la fois, et ça le fait.
Le point commun entre Greer Kadetsky et moi
Comme Greer, j’ai moi aussi admiré certaines femmes, j’ai adoré m’imaginer que je marchais dans leurs pas, que je leur ressemblais, je rêvais de me vêtir comme elles, et puis j’en suis revenue. Elles ont cédé leur place à d’autres, etc etc.
La Persuasion des femmes, de Meg Wolitzer, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, rue Fromentin, 2019.
© Virginie Manchado, 2019