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Ce matin, lors d’un « allongé » amical un point important a été soulevé : écrire au stylo sur un cahier ou tapoter sur un clavier d’ordinateur ? (« Cahier », « clavier », je réalise que les deux mots raisonnent.) Nous parlions, vous l’aviez compris, d’écrire pour le plaisir, car dans le cadre professionnel la question ne se pose plus.
Prendre sa plus belle plume, qu’elle soit à bille, feutrée ou à plume justement, pour écrire de sa plus belle plume sur son cahier n’est pas la même chose que de tirer du « mode veille » son ordinateur pour en faire jaillir des lettres dans un petit bruit de tap tap. Dans le fait d’écrire sur un cahier il y a quelque chose de plus charnel, de plus organique, le crissement du feutre sur le papier à gros grain et de couleur n’ont rien avoir avec la froideur de l’ordinateur. Mais ça va tellement plus vite sur l’ordinateur. Les mots fusent avant même que la pensée n’ait eu le temps de les formuler. Et puis on peut raturer sans que ça ne gêne la lecture et copier-coller à volonté. Quand on écrit sur un cahier, il faut recopier ce qui implique d’abord de pouvoir se relire, dans mon cas c’est laborieux, puis de se relire sans en conclure « C’est tellement plat ce que j’ai écrit, allez hop, corbeille », là non plus ce n’est pas gagné. Recopier entraîne une nouvelle question : se relire à voix basse ou à voix haute ? Il suffit de l’expérimenter une fois pour mesurer l’importance de la question.
Cahier ou clavier ? Comment enchaîner après une journée entière passée à avoir travaillé sur son ordinateur par des heures d’écriture, pour le plaisir certes, sur son ordinateur. J’en suis physiquement incapable. Et si je l’étais, j’aurais bien trop peur de dézinguer complètement mes yeux et mes neurones ; un jour, une amie m’a dit que j’étais « grise, sans doute parce que j’avais fait de l’ordinateur toute la journée ».
Comment créer une rupture entre écriture-travail et écriture-plaisir si on utilise le même support ? Faire la dictée à son téléphone qui retranscrira le tout en texte word ? Comme cet auteur de ma connaissance consacrer ses matinées à écrire sur un cahier, page de droite uniquement, la gauche étant réservée aux commentaires, puis recopier sur son ordinateur l’après-midi durant ? Ou comme Anne Serre, noter sur un cahier des petits bouts de rien, des idées, des mots, des phrases, laisser le tout mijoter (généralement une année) pour que ça prenne une forme, puis s’installer à son ordinateur et « pondre » le tout ? À l’instar de Jean-Paul Dubois, batifoler du 1er avril au 28 février, et jusqu’au 29 février tous les quatre ans (un jour de plus à batifoler, ce n’est pas négligeable), pour s’installer face à son ordinateur le 1er mars en sachant qu’un roman en « sortira » le 31 mars suivant ? Question : Jean-Paul Dubois écrit-il à l’ordinateur ou sur cahier ? Je parie sur l’ordinateur. À moins que ce ne soit sur une liasse de feuilles blanches A4 agrafées ou rangées dans une chemise cartonnée bleu roi ? Ça m’étonnerait que ce soit sur un smartphone, comme je l’ai vu faire un Stambouliote dans une discothèque stambouliote. Rassurez-vous, certains professionnels de l’écrit s’y emploient également. Opter pour le stylo Mont-Blanc que votre père vous a offert pour vos 18 ans telle une Marie Darrieussecq ? (Stylo Mont-Blanc qui, si mes sources sont bonnes, a fondu dans l’âtre d’une cheminée où il avait atterri par inadvertance, une façon de tuer le père diront les freudiens.) Allumer une bougie comme dans un rituel ésotérique ? Dans un train, sur un coin de table, face à l’océan ou au mur blanc pour éviter toute distraction ? Écrire en silence ou en musique et ajouter en fin de volume la play-list de votre roman ? Se lever dans la nuit façon Véronique Ovaldé ou ne pas se coucher façon Louis-Ferdinand Céline pour gratter des pages entières quand la maisonnée est éteinte. C’est vrai qu’il n’y a rien de plus plaisant que d’être debout quand tout le monde dort, alors de s’activer en douceur, sans faire de bruit, c’est comme voler du temps à la vie, aux autres, au monde qui grouille en permanence.
Écrire, c’est pulsionnel, charnel, instinctif, intuitif, émotionnel et rationnel à la fois. J’oscille entre deux supports, ordinateur et cahier. J’ai un cahier d’écriture du matin et un pour les ateliers d’écriture. Les cahiers, ce n’est pas neutre, le marketing de l’industrie papetière l’a bien compris. Et vous, sur quoi écrivez-vous ?
PS : une pensée pour Palinka qui a été la première à me suggérer d’écrire sur un cahier et pour Marguerite qui a initié cette discussion et qui est une fidèle lectrice et supportrice.
© Virginie Manchado, 2019
Bonsoir.
Rien ne remplace, ni ne remplacera jamais..la lecture..
Rien ne remplace, non plus..l’écriture !..
Il vaut mieux écrire sur un cahier, ou..dans un carnet..
Je suis un adepte de la lecture..vraie lecture, comme je suis un adepte (de longue date..) de l’écriture, avec mon bon vieux stylo plume « Waterman » (même s’il ne s’agit pas là d’un Mont Blanc.. »Meisterstück », peu importe..), et toujours à l’encre noire..
C’est d’ailleurs, à l’encre de ses idées que l’on arrive très souvent, à écrire des poèmes et sinon..des livres (je ne suis pas..écrivain, encore moins un..auteur..)..
Certains auteurs comme écrivain rédigent d’ailleurs, pour commencer, leurs idées, à l’aide d’un simple crayon de papier, avant d’avoir recours au stylo à plume, tandis que d’autres rédigent tout d’abord leurs idées, directement, à l’aide d’un stylo plume, avant de passer à..l’ordi…
Bonne fin de soirée à vous, un très bon weekend, respectueusement..Denis.
P.S.: j’ai travaillé durant longtemps en informatique, mais, je ne suis pas pour autant un « accroc »..de l’ordi.
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