Littérature française, Livres

« L’Homme surnuméraire » de Patrice Jean

Temps de lecture : 2’14

D’un côté, il y a Serge Le Chenadec, méprisé par sa femme, moqué par ses enfants, un type quelconque, un beauf comme on dit, bref « l’homme surnuméraire ». De l’autre côté, Clément Artois, un lettré épris de Lise, un gars un peu sur la touche car chômeur. Les vies de Serge et de Clément vont finir par se frotter car littérature et réalité ne sont jamais bien éloignées.

L’homme surnuméraire

La vie de Serge Le Chenadec est somme toute banale. Au sortir de l’adolescence il est tombé fou amoureux de celle qui est devenue son épouse. Ensemble ils ont eu deux enfants qui de l’adoration totale pour leur père ont basculé dans une tout juste tolérance. Malheureusement, l’épouse en a fait de même. Serge est donc sur le carreau. Sa vie n’a plus grand sens. Alors à quoi bon continuer ? En finir au plus vite ? Subir son existence ? Reconquérir son épouse ? Prendre maîtresse ? Retourner chez ses parents ?… Je n’en dirai pas plus.

Le monde entier se foutait de lui, à commencer par son épouse – et même ses enfants, dont il n’avait pas reçu un seul SMS, malgré leurs promesses.

Clément Artois

Clément Artois file le parfait amour avec Lise, une universitaire. Si elle a le bon goût de ne pas être de ceux qui s’enorgueillissent de leur réflexion et de leurs écrits qu’ils considèrent être le centre du monde et sans lesquels la vie serait dénuée de sa superbe, elle a le mauvais goût d’en fréquenter, des olibrius capables de superbes sorties telles que :

« Regardez cet océan, ce ciel bleu, ces odeurs d’été ! Que vaut une page, même une page extraite de mes œuvres, devant un tel spectacle ? »

Un roman dans le roman

Voilà que par un concours de circonstances, Clément a rejoint une maison d’édition à la mission quelque peu spéciale : réécrire des romans classiques pour les rendre politiquement corrects. Le résultat connaît un tel succès – ce qui en dit long sur notre époque – que les romans contemporains sont désormais passés aux fourches caudines des censeurs. Le premier sur la liste n’est rien d’autre que L’Homme surnuméraire. L’occasion rêvée pour tous les universitaires abhorrés par Clément Artois d’apposer leur pâte sur cette œuvre littéraire qui met en scène la vie de Serge Le Chenadec. Clément, les laissera-t-il faire ? Lui-même en sortira-t-il indemne ? 

Lire du Jean

Patrice Jean manie l’imparfait du subjonctif avec superbe pour être politiquement incorrect, merci. Cette fois-ci deux romans s’entrecroisent, l’un étant l’objet d’étude de l’autre, c’était délicieux à souhait. Bientôt ma troisième fois avec cet auteur, ce sera Revenir à Lisbonne, l’histoire d’une imposture : une femme qui s’éprend d’un homme qu’elle croit être maçon ou plombier car en bleu de travail alors qu’il est enseignant.

Le point commun entre Clément et moi

Je suis comme Clément, les universitaires qui ramènent tout à eux, qui ne peuvent s’empêcher de vous expliquer une œuvre avec leur air pédant de « je sais tout » m’horripilent au point de déguerpir de la maison de vacances normande pour rentrer à Paris.

L’Homme surnuméraire, de Patrice Jean, Rue Fromentin, 2017, et Motifs, 2018.

© Virginie Manchado, 2019

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