Chers amis,
Un break salvateur durant lequel il a continué de se passer beaucoup de choses, que je vous propose de goûter façon Reader’s digest, en commençant par les mois de janvier et de février 2021 pour poursuivre la semaine prochaine, avec le mois de mars 2021. Bonne lecture.
Temps de lecture : 8’51
Samedi 9 janvier
Balade au cimetière du Père-Lachaise, beaucoup de monde. Nos yeux s’arrêtent sur la pierre tombale de la famille Picou. Neuf personnes y sont enterrées depuis la fin du 19e siècle : elles sont toutes mortes jeunes.
Dimanche 10 janvier
En se baladant sur la Coulée verte, un homme dit à une femme : « Ne t’inquiète pas, je ne vais pas calculer ton thème astral. »
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Vu à l’animalerie pendant que je faisais la queue pour payer la litière de Minou, un parfum pour chats « Minou, minette ».

Samedi 16 janvier
Balade dans la forêt de Fontainebleau pendant que la neige tombe, c’est magnifique.
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Ma filleule compose la guirlande électrique que je lui ai offerte en faisant un algorithme, je n’en reviens pas.
Lundi 18 janvier
Un vieil homme monte et descende le trottoir à l’infini comme s’il faisait sa gym, des voitures circulent dans son dos.
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Jean-Pierre Bacri est mort, j’ai du mal à le croire.
Jeudi 21 janvier
Je n’arrive toujours pas à croire que Bacri est mort, ça va me faire le même coup qu’avec Annie Girardot, il m’a fallu des années pour digérer et accepter sa mort.
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Cette année, j’ai pris la résolution de dire « non », et je le dis à une cliente odieuse, non, je ne ferai plus de réunion avec cette femme. Ça fait du bien.
Vendredi 22 janvier
La journée démarre fort : le chat s’est brûlé la queue avec une bougie, déjà qu’il en avait peur ! Ça sent le poulet grillé.
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Ma grand-mère paternelle disait qu’il fallait être large d’esprit.
Lundi 25 janvier
Ma grand-mère maternelle disait « pied-cul » et les appelait « les marginaux ». Elle disait aussi « le travail déjà fait ne les effraie pas ».
Samedi 30 janvier
Ma voisine chante (faux) sur tous les tubes des années 80 (cela devrait être puni par la loi). Quand vient le tour de Gilbert Montagné, je mets mes boules Quiès.
Dimanche 31 janvier
Mon compagnon et moi sommes allongés sur le lit, le gong de la sieste musicale de la Maison de la poésie vient de retentir, il me dit alors « Ils sont forts quand même » et j’entends « Tu sens fort quand même ».
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Tous les jours un peu de nettoyage, un placard, une porte, une étagère, pour préparer le déménagement sans s’écœurer.
Samedi 6 février
Nous jouons au tangram, je parviens à faire le triangle (ne suis pas sûre de savoir le refaire).
Dimanche 7 février
Un randonneur bedonnant s’était arrêté sur le pont qui traversait un village pour admirer la rivière en contrebas. Emporté par le poids de son gros ventre, qu’il avait déposé sur le muret en pierre, et celui de son sac à dos bien chargé, il était passé par-dessus bord et est tombé à l’eau.
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Chez le vendeur de croquettes, je m’accroupis sur mes talons pour attraper le lourd sac de croquettes qui est rangé à l’étage le plus bas. Entraînée par le poids je tombe sur les fesses et ne parviens pas à me rappeler.
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Dès que je m’approche de mon ordinateur ou que j’essaie de configurer quelque chose sur iCloud ou autre, ça plante. Peut-être que dans une vie antérieure j’en ai fait voir de toutes les couleurs à Steve Jobs, alors il se venge dans celle-ci.

Lundi 8 février
Mon chéri et moi sommes en deuil : Renault arrête la production de sa Twingo.
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Je dois écrire à un homme qui a une adresse mail wanadoo, ça existe encore ?
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Je sais que mon père m’aime, mais il m’aime tout de traviole.
Mercredi 10 février
J’ai rêvé que j’apprenais que ma mère n’était pas morte, comme on me l’avait toujours dit, mais qu’elle était en prison pour meurtre (ou double meurtre). Ma grand-mère paternelle pleurait en me racontant qu’une fois elle avait eu le cœur brisé car ma mère avait eu une autorisation de sortie pour le 31 décembre mais que je ne l’avais pas su car j’étais allée dormir chez une amie, et que j’étais rentrée une heure après qu’elle avait dû repartir en prison. Ensuite je m’imaginais ma mère dans la voiture qui la ramenait en prison, au Maroc, et je me demandais comment elle faisait pour survivre à ça.
Ensuite, je disais à mon père que je voulais voir ma mère à tout prix, au moins une fois, et je lui demandais comment il avait fait pour vivre en la sachant là-bas. Il me répondait que ma mère n’était plus la jeune femme que j’imaginais mais une dame âgée à la peau ridée et qu’elle avait eu sa vie, différente de la mienne. Alors, je réalisais que c’était risqué de rencontrer ma mère mais je voulais absolument la rencontrer.
Ensuite, je demandais à mon père si mes grands-parents maternels étaient allés la voir en prison : oui. Je réalisais alors qu’eux aussi m’avaient menti en me disant qu’elle était morte et j’imaginais toute leur organisation secrète pour aller voir ma mère. Puis, je me disais que ma mère avait été aimée même si elle avait tué une ou deux personnes, et je l’imaginais en train d’aller voir ses parents et de leur dire « Maman, j’ai tué quelqu’un ».
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Puis j’ai rêvé que c’était la guerre et je devais m’enfermer dans une pièce d’une maison avec une personne et le dessinateur Vuillemin, et le chat. On ne devait pas faire de bruit.

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Puis j’ai rêvé d’une fille du collège et d’autres anciens du collège. Au matin je google la fille et apprends qu’elle dirige une compagnie de théâtre juste à côté de chez moi.
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Ce soir, si ma mère était en vie, je me serais précipitée sur mon téléphone pour lui dire combien je suis déçue par les réponses négatives que j’ai reçues et inquiète que les autres disent non également.
Lundi 15 février
J’aime beaucoup transpirer en dormant, me réveiller en sentant que ma sueur dégouline tout le long de mon corps, mais cette nuit le phénomène a été spectaculaire : je me suis réveillée transie de froid, notamment tout autour de la taille, puis j’ai passé la main sur ma poitrine et j’ai compris que j’étais en eau. J’ai dû me lever du lit, me sécher (effectivement, j’étais trempée) et me changer.
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À plusieurs reprises je suis complimentée pour mes chaussures « qui brillent de mille feux ».
Mardi 16 février
Une fille que j’avais connue par personne interposée avait la phobie des germes de pommes de terre. Dès qu’elle en voyait un, elle se poussait des hurlements déchirants.
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Un garçon que j’ai connu, indirectement, avait peur des pommes de pin. Chaque fois qu’il s’apprêtait à désobéir, ses parents brandissaient une pomme de pin. (Version édulcorée du martinet.)
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En une seconde mon frère se passait la main sur les yeux et se retournait la peau des paupières, laissant ses pupilles à vif, sans paupière, seulement la chair rouge visible. Ça faisait hurler notre grand-mère maternelle, et ses institutrices.
Vendredi 19 février
Cette nuit, j’ai rêvé que je lisais un texte à l’église pour l’enterrement de ma grand-mère.
Samedi 20 février
En regardant un épisode de « En thérapie », me revient en mémoire le souvenir de ma tante, ma grand-mère, ma mère et moi dans un taxi parisien. Ma mère allait vomir. Le taxi avait voulu que nous descendions pour que ma mère ne salisse pas sa voiture, mais elle avait déjà sorti un sachet en plastique.
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En écoutant Marie Desplechin dans Bookmaker, j’ai eu envie d’écrire quelque chose, mais je ne l’ai pas fait tout de suite et maintenant j’ai oublié.
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Marie Desplechin a eu un prof à l’école de journalisme qui lui avait dit qu’elle n’avait jamais su écrire et qu’elle ne le saurait, elle s’est bien vengée depuis. Ça me fait penser à B.M., ce prof d’histoire spécialisé dans l’histoire de l’Amérique latine au moment de l’invasion des Espagnols qui avait la tête d’un conquistador, qui m’avait dit « le style, mademoiselle, le style ! »
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Ça y est, ça m’est revenu ! Marie Desplechin disait que les enfants aiment répéter les mots qu’ils viennent d’apprendre. La fille d’une amie qui avait six ans à l’époque venait d’apprendre le mot « multicolore », elle essayait de le placer dans toutes les phrases qu’elle formulait.

Lundi 22 février
« Avoir une araignée au plafond », j’entends à la radio. Cette expression me plaît, je l’entends de moins en moins.
Jeudi 25 février
Mardi, une dénommée Élisabeth de chez Bouygues Telecom m’avait dit deux choses : je vous appellerai jeudi à 11 heures pour faire le bilan de votre consommation de gaz et d’électricité et non, vous ne recevrez pas une nouvelle box puisque vous en avez déjà reçu une la semaine dernière. Jeudi : Élisabeth ne m’a pas téléphoné et j’ai reçu un SMS me confirmant que le colis contenant ma nouvelle box allait bientôt me parvenir.
Dimanche 28 février
Anne Sylvestre ne disait plus au revoir en regardant les gens descendre l’escalier depuis qu’elle avait vu son frère pour la dernière fois en le regardant descendre l’escalier de leur immeuble.