Littérature française, Livres

« Voyou » de Itamar Orlev

Comment parvenir à aimer ce père qui a tant fait souffrir ? Comment le détester complètement ? Peut-être en le portant sur son dos quand il ne peut plus marcher, l’humilier pour se venger un petit peu. Mais il suffit qu’il dépose sa tête sur l’épaule de son fils, que ses jambes maigrelettes enserrent ses hanches pour ne pas tomber, pour que le cœur de Tadek chavire. Elle ressemble à ça l’histoire de Tadzio et de Stefan, « je t’aime, mais si tu savais combien je te hais ».

Billets d'humeur, Société

Les lave-linge sont manichéens

J’ai bifurqué vers la gauche, dans une petite rue qu’il m’a semblé n’avoir jamais empruntée et dans laquelle je ne saurais revenir. J’ai immédiatement senti une forte odeur de lessive qui m’a laissée présager qu’il y avait un Lavomatic tout près. J’ai pressé le pas car les Lavomatic sont des lieux de grande convoitise depuis le collège. Je vois en eux l’investissement suprême : tu n’as rien à faire, pas même à ouvrir ni à fermer les portes que désormais une clé magnétique ou un code programmé active et désactive à heures fixes. Les gens glissent des pièces, des billets ou leur CB et hop, ça se déclenche. Tu contribues à détruire le sale et restaurer le propre. Tu détruis le mal et encourages le bien. C’est très manichéen et en plus, tu empoches la monnaie sans te fatiguer. Le business idéal.

BD/Illustrés, Billets d'humeur, Livres, Société

Comment sortir indemne de la magie de Noël

La fin d’année c’est le moment par excellence où il faut fuir les invitations, les fêtes obligatoires, les buffets gastronomiques et les cotillons. Les repas qui s’éternisent, les cadeaux trop moches qu’on doit faire semblant d’apprécier, les remarques racistes de l’un et les questions indélicates de l’autre, le voisin de table qui sent la transpiration, le vomi de publicités, non, franchement, on mérite mieux que ça.

Billets d'humeur, Société

Dormir, geste nec plus intime

Il y a ces nuits où l’on tourne et retourne à la recherche de la bonne position. Celles où l’on compense l’absence de l’être aimé par un oreiller. Celles où l’on se blottit contre son enfant parce qu’on a peur, du noir, de la vie, du néant, de tout. Voyager et s’asseoir sur le lit en se disant « Tiens, ils ont oublié de mettre le matelas. » Ben non, en fait, il y était. Un mémorise la forme, l’autre nous fait toucher le sol du popotin, avec le troisième on devine un petit pois.

Littérature étrangère, Livres

« Ecoute la ville tomber » de Kate Tempest

Ecoute la ville tomber obéit à un rythme musical qui pulse. C’est saccadé. Entre chaque beat, l’amour et l’amitié murmurent leur douce mélodie. Un roman empreint d’une énergie qui donne envie de vivre. On a l’espoir que ces trois jeunes s’en sortiront. Si personne n’a cru en eux jusque-là, ce n’est pas notre cas.

Billets d'humeur, Economie, Société

Le vrai prix des choses – 2

Quelle somme serions-nous prêt à débourser pour un croque-monsieur ? La question se pose dès lors qu’on a un déjeuner d’affaire à l’hôtel de Crillon, ce qui est arrivé à l’une de mes connaissances récemment. Elle m’a rapporté que dans cet établissement il nous en coûtera 47 €, soit 18 fois plus cher que le croque-monsieur bas de gamme des supermarchés (je suis allée vérifier exprès), soit 4,75 fois le taux horaires brut du SMIC.

Livres, Non-fiction

« Histoire de la littérature récente – 1 » de Olivier Cadiot

Succession de chapitres très courts sur les écueils à éviter lorsqu’on s’essaie au métier d’écrivain : « Ne faites ni l’artiste ni l’artisan. Ni Van Gogh ni souffleur de verre », et ce même si nous sommes « tous des Léonard de Vinci, en moins doués, bien sûr ». Prenons garde aux idées idiotes qui bien écrites demeureront idiotes. Réflexion puissante sur ce qu’est la littérature, cette bizarrerie que de vouloir retranscrire par des mots, soumis à des règles d’accord, à des structures grammaticales et à des rythmes, des sentiments, des faits, des pensées… Nous voilà parés pour devenir écrivain en se contentant de lire. Le programme se veut ambitieux.

Billets d'humeur, Société

J’ai cassé ma perche à selfie

Voir des gens photographier et filmer tout et n’importe quoi – de la cohue dans le métro un jour d’inondation aux paquets cadeaux d’anniversaire pas encore ouverts en passant par la salle d'attente de l'aéroport où l'on s'apprête à embarquer et à la statue grecque dont on caresse le genou pour bien indiquer qu’on était là – « j’étais là, j’ai vu la statue, je la touche, t’as vu ?! t’as vu ?! » – et aux vidéos de ses enfants en train de descendre du toboggan ou de tirer la queue du chien, quand on ne les prend pas sur le pot… me déprime. En fait ce ne sont pas ces photos-là qui me rendent malade, mais leur usage à outrance, leur profusion, la surconsommation que nous en faisons.